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Troie, vouée à la perdition, perd tout d’abord ses dieux.
Déjà Phébé dans son plein répandait sa lumière blanche
Et entraînit autour de sa face rayonnante son cortège d’astres moindres,
Lorsque parmi les Troyens ensevelis dans le sommeil et l’ivresse
Les Grecs, ouvrant la porte, répandent à flots des guerriers.
Les héros s’exercent au carnage : tel le coursier,
Dès qu’on relâche les nœuds du joug thessalien,
Avant de s’élancer, se met à secouer la tête et sa longue crinière.
Leurs mains tirent le fer, agitent le bouclier rond,
Et les voilà à l’œuvre. Ici, l’un égorge les Troyens,
Lourds de vin, et les envoie finir dans le dernier sommeil
Leur somme ; là, un autre allumant une torche à l’autel,
Contre les Troyen invoque le secours des dieux de Troie.

XC. OU ENCOLPE PRIE EUMOLPE A SOUPER

Des gens qui se promenaient sous le portique se mirent à jeter des pierres à Eumolpe pour le faire taire. Habitué à voir son talent recueillir ce genre de suffrages, il se couvrit la tête et s’enfuit hors du temple. Craignant moi-même d’être pris pour un poète, je me mis à la poursuite du fugitif que je retrouvai au bord de la mer.

Dès que, hors de portée des coups, nous pûmes enfin nous arrêter : « Je vous prie, dis-je, expliquez-moi d’où vient cette maladie. Voilà moins de deux heures que nous nous connaissons, et j’ai entendu le poète plus souvent que l’homme. Je ne m’étonne donc plus que le peuple vous poursuive à coups de pierres. Je m’en vais, moi aussi, en faire une provision, et chaque fois que vous commencerez à vous égarer, je vous dégagerai la tête par une bonne saignée. »

Il secoua la tête et répondit : « Sachez, mon bel ami, que ce n’est pas d’aujourd’hui que je suis entré en fonctions. Chaque fois que je parais sur le théâtre pour y réciter quelque chose, l’assistance me réserve ce même accueil. Toutefois, pour ne pas avoir aussi maille à partir avec