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L'ŒUVRE DE PÉTRONE

banquet, mais il y en a vraiment trop, ils sont trop minutieusement décrits ; et après s’y être intéressé quelque temps on finit, comme les convives, par en avoir une indigestion. L’auteur de ce morceau était certainement un érudit possédant une collection fort curieuse des plus beaux menus de l’antiquité, mais ce n’était certes pas un artiste que son sens de la mesure et du beau avertit à temps que l’excès en tout est un défaut il manque un peu de goût.

Il n’en manque pas qu’en littérature. Il a voulu nous donner un manuel de l’élégance : tout ce que fait Trimalcion est à éviter, tout ce qu’il dit est à ne pas dire. Mais il n’a pas, comme l’auteur des Aventures d’Encolpe, le sens de ce qu’est la véritable distinction. On sent que c’est chez lui leçon apprise, qu’il professe à son tour ce qu’on lui a enseigné, qu’il a étudié les règles du bon ton, laborieusement, mais que ce n’est là que connaissance acquise ; aussi ne s’élève-t-il guère au-dessus du niveau des manuels de civilité puérile et honnête. Chez. l’auteur des Aventures d’Encolpe, la distinction serait plutôt poussée jusqu’à la recherche.

Les propos des amis de Trimalcion, par leur naïveté amusante, leur banalité implacable et leur savoureuse vulgarité, sont sans doute d’un comique de bon aloi, mais semblent sortis, d’une tout autre veine que les traits vifs, spirituels, cyniques, la verve railleuse, la fantaisie légère, l’irrévérence désinvolte, l’élégance aisée et détachée qui, chez Pétrone, s’allient au plus solide bon sens. L’auteur du Banquet nous paraît l’ancêtre authentique de notre Rabelais, celui des Aventures d’Encolpe annonce plutôt Voltaire.

Tels sont, à côté d’autres motifs d’ordre plus technique et qu’il serait trop long d’exposer ici, les raisons qui nous font soupçonner que les fragments que nous possédons pourraient bien être de deux auteurs différents[1].

  1. Du Theil fait remarquer en outre que le Festin de Trimalcion, tel qu’il a paru pour la première fois en 1575, ou tel que le présentent les éditions données depuis 1664, est à peine rattaché au reste de