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maison, j’achète des bêtes de somme pour les revendre. Tout ce que je touchais croissait comme champignons.

« Quand je me trouvai plus riche que le pays tout entier, je fermai mes registres, j’abandonnai le négoce et me mis à prêter à intérêt aux affranchis[1]. Et j’allais même me retirer entièrement des affaires, mais j’en fus détourné par un astrologue : c’était un Grec, du nom du Sérapa, qui était venu par hasard dans notre colonie : il me parut inspiré par les dieux. Il me dit même des choses que j’avais oubliées et me raconta toute ma vie de fil en aiguille. Il lisait dans mes entrailles ; peu s’en fallait qu’il ne dise ce que j’avais mangé la veille. On aurait cru qu’il ne m’avait jamais quitté d’une semelle.

LXXVII. OU TRIMALCION SE DÉCLARE SATISFAIT DE LA VIE ET PENSE A LA MORT

« Voyons, Habinnas, vous qui étiez là ; je crois, ne m’a-t-il pas dit : « Parti de rien, vous avez acquis une grosse situation ; vous n’êtes guère heureux en amis ; personne ne vous rend vos bienfaits ; vous avez d’immenses propriétés ; vous nourrissez une vipère dans votre sein. » Que vous dirai-je enfin : il me révéla qu’il me restait à vivre trente ans quatre mois et deux jours, et puis que je recevrais bientôt un héritage. Voilà ce qu’il m’a dit de mon sort.

Si je parviens à joindre l’Apulie[2] à mes propriétés,

  1. Celui qui venait d’être affranchi n’avait pas d’argent pour faire figure d’homme libre et entreprendre une affaire. Il empruntait à un autre affranchi. C’est donc par l’usure que presque toujours ces parvenus acquéraient rapidement de grosses fortunes.
  2. Toujours la même mégalomanie et la même ignorance crasse.