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LXXVI. SUITE DE LA VIE ET DE LA FORTUNE DE TRIMALCION

« Enfin, par la volonté des dieux, je me trouvai maître dans ma maison, et alors, je pus en faire à ma tête. En deux mots, mon maître me désigna comme cohéritier avec César, et me voilà le possesseur d’un patrimoine sénatorial[1]. Mais jamais personne fut-il content de ce qu’il a ? Je voulus faire du commerce. Pour ne pas vous faire languir, sachez que j’équipai cinq navires ; je les chargeai de vin c’était alors de l’or en barre je les envoyai à Rome. On aurait cru que j’en avais donné l’ordre : tous cinq font naufrage ! C’est de l’histoire, ce n’est pas de la blague ! En un jour ; Neptune me mangea trente millions de sesterces.

« Vous croyez que là-dessus je lâche la partie ! Pas du tout ! Cette perte m’avait mis en goût ; comme si de rien n’était, j’en construis d’autres plus grands, et plus forts, et plus beaux, afin que personne ne puisse dire que je manque d’estomac. Vous savez que plus un navire est gros, plus vaillamment il lutte contre les vents. Je charge une nouvelle cargaison : du vin, du lard, des fèves, des parfums de Capoue, des esclaves. Dans la circonstance, Fortunata fut admirable : elle vendit tous ses bijoux, toutes ses robes et me mit dans la main cent pièces d’or ; elles furent le germe de ma fortune.

« Les affaires vont vite quand les dieux veulent. En un seul voyage je gagnai une somme ronde de dix millions de sesterces. Je commence par racheter toutes les terres qui avaient appartenu à mon maître ; je me fais bâtir une

  1. C’est-à-dire d’un patrimoine considérable, car il fallait avoir une fortune dont le chiffre était déterminé par la loi pour être sénateur.