Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des poissons avec du porc, il est jeté dans le chaudron ; tandis que ce Dédale l’arrose de. son bouillon bien chaud, Fortunata, saisissant un mortier de buis, broie le poivre.

Quand on eut mangé les mattées, Trimalcion se tourna vers les esclaves : « Eh quoi ! leur dit-il, vous n’avez pas encore soupé ? Allez-vous-en, et que d’autres viennent prendre le service. » Une nouvelle équipe se présenta donc. Les uns, sortant, criaient : « Adieu, Gaïus ! » les autres, entrant « Bonjour, Gaïus[1] ! » Dès lors, plus de joie : parmi les nouveaux arrivants se trouvait, en effet, un esclave qui n’était pas vilain ; Trimalcion s’en empare et le couvre de baisers. Fortunata, voyant ses droits méconnus, se met à invectiver Trimalcion, qu’elle traite de fumier et de crapule, incapable même de cacher sa passion. Pour comble, elle l’appelle chien.

Trimalcion, confus, exaspéré par tant d’outrages, lui lance, à son tour, une coupe à la tête. Elle se met à crier comme si on lui eut crevé les yeux, en cachant son visage dans ses mains tremblantes. Scintilla, consternée, prend dans ses bras et couvre de son corps son amie affolée. Le jeune esclave, empressé, approche de la joue endommagée un vase d’eau glacée sur lequel Fortunata s’appuie en gémissant et en pleurant.

Quant à Trimalcion : « Eh quoi ! dit-il, cette traînée ne se souvient donc pas que je l’ai tirée de la huche où elle pétrissait le pain pour la faire homme parmi les hommes ? Maintenant elle s’enfle comme une grenouille et crache en l’air pour que ça lui retombe sur le nez ; c’est une bûche, non une femme. Mais la caque sent toujours le hareng. Que mon génie me soit propice et je dompterai bien cette

  1. Les esclaves qui ont fini de dîner remplacent ceux qui servaient et réciproquement.