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à l’enterrement, remplissait la salle à manger de ses lamentations. Je commençais à pleurer comme les autres, quand Trimalcion reprit : « Et puisque nous savons que nous devons mourir, que ne jouissons-nous de la vie ? Pour que je vous voie parfaitement heureux, allons maintenant nous jeter dans le bain. J’en ai fait l’essai et vous n’aurez pas à vous en repentir, car il est chaud comme un four. — Bravo, dit Habinnas d’un jour en faire deux ! Il n’y a rien que je préfère. » Et, se levant pieds nus, il suivit Trimalcion enchanté.

Je me tournai vers Ascylte : « Qu’en penses-tu ? lui dis-je. Quant à moi, rien que de voir le bain, j’en mourrais du coup. — Disons comme eux, répondit-il, et, tandis qu’ils se rendent au bain, échappons-nous dans la foule. » Ainsi d’accord, guidés par Giton, nous traversons le vestibule et gagnons la porte. Mais le chien enchaîné nous reçut avec un tel vacarme qu’Ascylte, du coup, tomba dans un vivier. Et moi qui, à jeun, avais eu peur d’un dogue en peinture, aussi ivre maintenant que mon compagnon, en voulant le secourir, je tombe dans le même gouffre. Heureusement, le concierge vint à notre secours d’un mot, il apaisa la bête, puis nous tira tous les deux du vivier.

Déjà Giton s’était délivré du chien par un procédé des plus subtils : il lui avait jeté tout ce que, pendant le repas, nous avions gardé pour lui. Occupé à manger, il avait oublié sa fureur. Cependant, gelés, nous demandons en vain au concierge de nous laisser sortir : « Vous vous trompez, nous dit-il, si vous pensez sortir par où vous êtes entrés. Jamais aucun convive n’est revenu à la même porte on entre par un côté, on sort par l’autre[1]. »

  1. Spirituelle parodie : dans l’Enéide, on sort des enfers par une porte autre que celle d’entrée (Enéide, VI, 898).