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L'ŒUVRE DE PÉTRONE

époque que les Aventures d’Encolpe. De ces deux morceaux, le premier nous a paru beaucoup plus difficile à comprendre parce qu’il est écrit suivant une syntaxe plus incertaine, dans une langue plus corrompue, plus faisandée ; le second nous a semblé plus difficile à traduire parce que sa langue est plus latine et plus élégante, son style plus fin et plus serré. Le premier nous paraît l’œuvre d’un romancier naturaliste qui peint avec une exactitude scrupuleuse les mœurs et les usages de son temps, mais qui se révèle assez inhabile dans l’analyse des caractères ; le second est au contraire l’œuvre d’un psychologue enjoué et profond et d’un moraliste sceptique, nourri des maximes d’Épicure et tout spécialement préoccupé des rapports qu’il entrevoit entre la décadence des mœurs et celle des arts et des lettres[1]. Son Encolpe est un aventurier lettré qui ne connaît ni scrupules, ni remords, ni foi, ni pitié, mais c’est un jeune homme, et quand il lui arrive d’avoir à souffrir des agissements de ses pareils, il pleure, il déclame, il s’indigne et devient pour un moment moraliste : son caractère est peint avec une finesse, une naïveté et une grâce inimitables. Dans le Banquet, ce n’est plus qu’un provincial un peu naïf à qui le luxe de Trimalcion en impose malgré tout, et plus qu’il ne convient à un homme de goût on ne salit pas assez s’il est dupe ou s’il se moque.

Le caractère de Trimalcion lui-même nous paraît également d’un dessin peu net. Le personnage nous semble avoir été étudié fidèlement de l’extérieur à la manière des romanciers réalistes plutôt que pénétré, compris, et surtout expliqué : tantôt il ment par ostentation, tantôt il étale de la meilleure grâce du monde ses humbles origines. Sans doute,

  1. Un bon juge, La Porte du Theil, déclare que les aventures d’Encolpe sont la seule partie du roman « qui lui paraisse pouvoir être lue avec un peu d’intérêt du moins sans trop d’ennui » et qu’au demeurant « c’est la seule portion de l’ouvrage attribué à Pétrone qui soit intelligible pour lui et qu’il ait cru pouvoir interpréter ».