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maître, mais lui n’avait plus envie de dire des sottises : il fit venir son testament et, au milieu des gémissements de ses serviteurs, le lut de la première à la dernière ligne. Ensuite se tournant vers Habinnas : « Qu’en dites-vous, très cher ami ? lui demanda-t-il. Me bâtissez-vous mon tombeau suivant les plans que j’ai faits ? N’oubliez pas surtout au pied de ma statue ma petite chienne et les couronnes, et les vases de parfum, et toutes mes luttes passées, afin que, par votre talent, il me soit donné de vivre après ma mort. En outre, je veux cent pieds en bordure de la voie publique et deux cents sur la campagne. Tous les genres d’arbres à fruits je les veux autour de mes cendres, et surtout, de la vigne à profusion. Car c’est vraiment une erreur d’avoir de son vivant des maisons confortables, et de négliger celle où il nous faut demeurer le plus longtemps. Et, par-dessus tout, je veux que l’on y grave

Ce monument n’ira pas à mon héritier[1] :

« Au demeurant, j’aurai soin, par mon testament, de me mettre à l’abri de toute injure après ma mort : je préposerai à la garde de mon tombeau un de mes affranchis. Il veillera à ce que le peuple ne fasse pas caca sur mes cendres[2]. Je vous prie d’y représenter aussi des navires courant à pleines voiles, et moi-même siégeant en robe prétexte sur un tribunal, avec cinq anneaux d’or et distribuant au peuple un sac d’argent : car vous savez que j’ai

  1. Cette inscription était courante. Elle interdisait à l’héritier d’aliéner ou d’engager le terrain où était bâti le tombeau.
  2. Les tombeaux étaient des lieux sacrés : il était défendu d’y déposer des ordures. Témoin cette inscription relevée par Mabillon : « Qui pissera ou chiera ici s’attirera la colère des dieux du ciel et des enfers ».