Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur geait les muletiers. Jusqu’à ce qu’enfin Habinnas l’appelât, le baisât et lui offrit à boire en disant « De mieux en mieux, Massa : je t’offre une paire de bottes. »

Et cette calamité n’aurait pas eu de fin si l’on n’eût apporté le dernier service ; un pâté de grives, des raisins secs, des noix confites. Vinrent ensuite des coings lardés de clous de girofle pour simuler des hérissons[1].

Tout cela était supportable, sans un nouveau plat si monstrueux que nous aurions mieux aimé crever de faim que d’y toucher. Nous croyions voir une oie grasse, avec tout autour des poissons ou des oiseaux de toute espèce[2], quand Trimalcion nous détrompa : « Tout ce que vous voyez là, dit-il, est fait d’une seule chair. » Pour moi, en homme prudent, je crus comprendre aussitôt de quoi il retournait et, regardant Agamemnon : « Je serais bien étonné, lui dis-je, si tout cela n’est pas artificiel, ou du moins fait en terre. J’ai vu à Rome, pendant les saturnales, des festins entiers ainsi représentés. »

LXX. COMMENT, SUR L’ORDRE DE TRIMALCION LUI-MÊME, LES INVITÉS SONT ENVAHIS PAR LA VALETAILLE

Je n’avais pas fini quand Trimalcion dit : « Puissé-je voir croître encore, non pas mon embonpoint, mais mon patrimoine, aussi vrai que tout cela, mon cuisinier l’a fait rien qu’avec du porc. Il n’y a pas homme plus précieux au monde. On n’a qu’à commander d’un ventre de truie, il vous fait un poisson ; du lard, une colombe ; d’un jambon, une tourterelle ; des intestins, une poule. En conséquence,

  1. Après le dessert, on servait encore des friandises. C’était l’épidipnis (après dîner).
  2. C’est la suite de l’épidipnis. Trimalcion exagère la profusion.