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Déjà ivre, la main posée sur l’épaule de sa femme, le front orné de plusieurs couronnes et humide de parfums qui lui coulaient dans les yeux, il vint se mettre à la place d’honneur et, sur-le-champ, demanda du vin et de l’eau chaude.

Trimalcion, charmé de sa bonne humeur, réclama aussi une coupe plus grande et demanda à son ami s’il avait été bien traité ce soir-là : « Rien ne manquait, excepté vous, car mon cœur était ici. Au demeurant, tout s’est bien passé : Scissa fêtait magnifiquement la neuvaine[1] de son esclave Misellus qu’il avait affranchi déjà mort[2]. Et je crois qu’outre le droit du vingtième[3] il fait un gros gain, car le défunt ne valait pas moins de cinquante mille écus. En tout cas, nous avons passé une charmante soirée, bien qu’il nous ait fallu verser sur ses os la moitié du vin[4].

LXVI. UN MENU DE DINER

« Mais, dit Trimalcion, qu’avez-vous eu à manger ? — Je vais vous le dire si je peux, car j’ai si bonne mémoire qu’il m’arrive d’oublier mon nom. Il y a eu d’abord un porc couronné de boudin et enguirlandé de saucisses,

  1. Sacrifice qu’on faisait pour un mort neuf jours après son décès et qui était suivi d’un festin auquel on invitait tous les amis du défunt on gardait le mort pendant sept jours, le huitième on le brûlait, le neuvième on l’ensevelissait et on donnait le repas funèbre.
  2. On affranchissait un esclave à l’article de la mort pour ne pas perdre le prix de sa liberté. Déjà mort est une exagération plaisante de Pétrone.
  3. Au moment de son affranchissement, l’esclave devait donner à son maître un vingtième de ses biens.
  4. Les anciens versaient du vin sur les bûchers et sur les tombeaux.