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LXV. ENTRÉE DU SÉVIR HABINNAS IVRE

Après ce bel arrêt on apporta des mattées[1] dont le seul souvenir, vous pouvez me croire, me soulève encore le cœur, car au lieu de simples grives on nous servit à chacun une poularde bien grasse avec des œufs d’oie farcis. Trimalcion insista beaucoup pour que nous y goûtions, en nous assurant qu’elles avaient été désossées. À ce moment, un licteur frappa à la porte de la salle et un convive nouveau, revêtu d’une robe blanche[2], entra dans la salle avec un nombreux cortège.

Intimidé par son air de majesté, je crus que c’était le préteur qui entrait. J’essayai donc de me lever et j’avais déjà les pieds nus sur le carreau[3] quand Agamemnon me dit en souriant de mon empressement : « Tiens-toi donc, imbécile. C’est le sévir Habinnas, marbrier de son état, et connu comme un spécialiste de talent pour les monuments funèbres. » Rassuré par ces paroles, je me recouchai sur le coude, contemplant avec admiration l’entrée du sévir.

  1. Il y avait plusieurs sortes de mattées, mais ce plat suppose toujours un hachis d’aliments délicats. On les servait immédiatement avant le dernier service ou dessert.
  2. Les Romains étaient ordinairement vêtus de blanc. Quand, sous les empereurs, on délaissa la toge pour porter des habits de couleur, les magistrats de province la conservèrent : le blanc chez les Romains était donc habillé, cérémonieux, officiel, — comme le noir à notre époque.
  3. On devait se lever quand entraient les premiers magistrats du pays — et surtout le préteur — pour leur rendre hommage. Comme avant de se mettre à table on remplaçait ses chaussures par des mules qu’on laissait au bas du lit, quand on se levait brusquement, on mettait les pieds nus sur le carreau, comme le fait ici Encolpe.