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LXIV. OU LA FÊTE S’ANIME : BATAILLE DE CHIENS ; LUSTRE BRISÉ ; TRIMALCION JOUE AU CHEVAL

Saisis d’étonnement, mais cependant convaincus, nous embrassons la table[1] pour tromper le sort et nous conjurons les sorcières de rester chez elles pendant que nous rentrerons chez nous.

Je voyais déjà les lanternes doubles et toute la salle qui tournait quand Trimalcion dit à Plocame : « En vérité, tu ne racontes rien. Tu ne fais rien pour nous amuser, toi qui étais si agréable en société, qui chantais si gentiment et qui déclamais des dialogues charmants. Hélas ! hélas ! nos beaux jours s’en sont allés :

« Il faut bien, répondit l’autre, que je commence à dételer, maintenant que me voilà goutteux. Autrefois, quand j’étais jeune, je chantais à devenir poitrinaire. Et la danse ! Et les dialogues ! et les tours de passe-passe. Je n’avais pas mon pareil, si ce n’est Apellète[2]. » Là-dessus, mettant la main devant sa bouche, il nous gratifia d’un sifflement épouvantable, qu’il nous donna pour une imitation des Grecs.

Trimalcion, après s’être à son tour essayé à une imitation des joueurs de flûte, se retourna vers son chéri qu’il appelait Crésus. C’était un enfant chassieux, aux dents affreuses. Il s’amusait à envelopper d’un ruban vert une petite chienne noire, hideusement grasse, et ayant posé sur le lit un pain d’une demi-livre, il en gavait consciencieusement la pauvre bête qui n’en pouvait plus. Ce qui

  1. Coutume superstitieuse dont Pétrone se moque.
  2. Apellète était un tragédien, célèbre par sa très belle voix, qui vivait au temps de Caligula. (V. Suétone, Vie de Caligula, ch. 33.)