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lui et il ne parle pas à tort et à travers. Du reste, j’ai de mon côté une histoire terrible à vous raconter. C’est une affaire aussi peu croyable qu’un âne sur un toit.

« Du temps où j’avais encore de longs cheveux (car dès mon enfance j’ai vécu adonné au plaisir), Iphis, qui faisait mes délices, vint à mourir. Par Hercule, c’était une vraie perle, tout ce qu’il y a d’élégant, et parfait en tous, points. Tandis que sa pauvre mère se lamentait et quel nous étions tous plongés dans la tristesse, tout à coup les sorcières commencèrent un tel sabbat qu’on aurait cru un chien poursuivant un lièvre.

« Il y avait alors chez nous un Cappadocien, grand, d’un courage à toute épreuve et que Jupiter, avec son tonnerre, n’eût pas fait reculer. Sans hésiter, tirant son épée, il franchit le seuil, non sans avoir enroulé avec soin son manteau à son bras gauche. Il en traverse une à l’endroit que voici (le ciel me garde d’un tel accident). Nous entendîmes un gémissement, mais, à vrai dire, nous ne vîmes personne.

« Notre brave se jette aussitôt au travers de son lit : il avait le corps couvert de taches livides, comme s’il eût été battu de verges : la mauvaise main l’avait touché ! Nous fermons la porte et nous revenons veiller le mort, mais quand la mère veut embrasser le corps de son fils, elle ne trouve qu’un mannequin bourré de paille : plus de cœur, plus d’intestins, plus rien ! Les sorcières avaient volé l’enfant en le remplaçant par ce sac de paille. Après cela, il faudra bien que vous croyiez qu’il existe des femmes versées dans la magie qui, la nuit, mettent tout sens dessus dessous. Quant à notre Cappadocien, après cet acte de courage, il ne recouvra jamais sa couleur naturelle ; bien plus, peu après, il mourut frénétique. »