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Hercule ! il en faut beaucoup pour m’échauffer les oreilles, mais plus on est bon garçon, plus on vous monte sur le dos… Il rit : qu’est-ce qu’il a donc à rire comme ça ? Crois-tu que le fœtus a le choix de son père ? D’après ta robe, tu dois être chevalier romain. C’est ce qui te rend si fier. Eh bien, moi, je suis fils de roi. Pourquoi, alors, j’ai été esclave ? Parce que ça m’a plu de me mettre moi-même en esclavage : j’aime mieux être un citoyen romain qu’un roi tributaire. Et, aujourd’hui, j’espère bien vivre de telle sorte que personne n’ait le droit de se ficher de moi. Je suis un homme parmi les hommes et je marche dans la vie à visage découvert : je ne dois pas un sou à qui que ce soit ; je n’ai jamais reçu une assignation ; personne, sur le forum, ne m’a dit : « Paye tes dettes. » J’ai acheté quelques lopins de terre et mis en réserve quelques petits lingots ; je nourris vingt bouches sans compter mon chien. J’ai racheté ma concubine pour que son maître n’ait plus le droit de s’en servir comme de torchon : ça m’a coûté mille deniers. On m’a fait sévir sans me demander un sou, et j’espère bien mourir tel que, mort, je ne rougisse pas de moi.

« Mais toi, tu es dans une telle dèche que tu n’oses même pas regarder derrière toi. Au lieu de chercher des poux aux autres, occupe-toi donc un peu de tes punaises.

« Il n’y a qu’à toi que nous paraissons ridicules. Voilà Agamemnon, ton maître, un homme d’âge : eh bien ! il se plaît avec nous. Toi, si on te tirait le nez il en sortirait du lait, et tu n’es pas encore fichu d’ouvrir la bouche. Petit rien du tout ! Tu me fais l’effet d’une savate mouillée : elle a l’air souple, mais n’en vaut pas mieux. Tu dis que tu es plus riche ?… Alors dîne deux fois, soupe deux fois. Moi je tiens plus à ma conscience qu’à la richesse : personne m’a-t-il réclamé deux fois son argent ?