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sont d’un grand poids. Et ce que j’achète, dites-le-vous bien, je ne le revendrais à aucun prix. »

Pendant ce bavardage, un esclave laisse tomber une coupe. Trimalcion le regarde du haut en bas : « Allons, vite, dit-il, punis-toi toi-même, puisque tu n’es qu’un écervelé. » L’autre ouvrait déjà la bouche pour demander grâce : « Qu’as-tu à m’implorer ? interrompit Trimalcion. Comme si je te voulais du mal ! Tâche seulement de prendre sur toi de ne plus te montrer si étourdi. » Enfin, sur nos instances, il le tient quitte.

Cet incident réglé, il se met à courir autour de la table en criant : « Enlevez l’eau ; plus rien que du vin ! » Nous nous extasions sur ces fines plaisanteries et plus que tout autre Agamemnon, qui connaissait bien la recette pour se faire inviter à nouveau. Sensible à nos louanges, Trimalcion se remit à boire avec plus d’entrain. Presque ivre, il demande : « Personne n’invitera donc ma Fortunata : à danser ? Croyez-m’en, elle n’a pas sa pareille pour mener le chahut[1]. » Et lui-même, les mains en l’air, se met à contrefaire le bouffon Syrus[2], tandis que toute la valetaille chante un chœur : « Et il allait se lancer, sans Fortunata qui lui parla à l’oreille, pour lui représenter sans doute que ces folies dégradantes ne seyaient guère à un homme de son importance. Je n’ai jamais vu humeur plus inégale, car tantôt il écoutait sa Fortunata, tantôt il retombait dans sa vulgarité naturelle.

  1. Il s’agit ici de la cordace, danse lascive des Grecs, que les personnes comme il faut ne se permettaient pas. Sous Tibère, le Sénat fut obligé de chasser de Rome tous les danseurs et les maîtres à danser.
  2. Il ne saurait s’agir ici de Publilius Syrus, auteur estimé de comédies de caractère et, du reste, de beaucoup antérieur.