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Je m’attendais, avec sa manie de l’ostentation, à ce qu’il nous annonçàt qu’on fabriquait exprès pour lui des vases de Corinthe. Mais il fit mieux : « Vous allez me demander sans doute pourquoi je suis seul à posséder du vrai corinthe ? Eh bien ! parbleu, parce que celui qui me les fait s’appelle Corinthe. Et qui donc peut à bon droit se vanter de posséder du corinthe, sinon celui qui est le maître de Corinthe lui-même ?

« Et n’allez pas me prendre pour un ignorant, car je sais fort bien quelle est l’origine première de ce métal. Après la prise de Troie, Annibal, homme subtil et fieffé fripon, fit porter toutes les statues et d’airain et d’argent et d’or sur un seul bûcher auquel il mit le feu : tous les métaux se mélangèrent. Alors de cette masse les ouvriers s’emparèrent pour en faire des plats, des bassins, ses statuettes. Ainsi naquit l’airain de Corinthe, amalgame de trois métaux et qui n’est ni l’un ni l’autre[1].

« Pardonnez-moi ce que je vais dire. Eh bien, j’aime mieux le verre. D’autres ont un avis différent. Mais, s’il n’était pas si fragile, je le préférerais à l’or. Tel quel on le méprise aujourd’hui.

LI. MIRIFIQUE ET TERRIBLE HISTOIRE DU VERRE INCASSABLE

« Pourtant, dans le temps, un ouvrier trouva moyen de fabriquer un vase de verre impossible à briser. Admis devant César pour le lui offrir en présent, il le lui redemanda

  1. Trimalcion se souvient d’avoir entendu raconter que, lors de l’incendie de Corinthe par les Romains, tous les métaux fondus formèrent un alliage rare dont il fut impossible depuis de retrouver