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siles. Croyez-moi, quand les renvois remontent au cerveau, il y a un contre-coup dans le corps tout entier. J’en sais plusieurs qui se sont laissés mourir ainsi plutôt que d’avouer leur gêne. » Nous rendons hommage à la tolérance et à l’indulgence de notre hôte, tout en noyant nos rires dans de multiples rasades.

Après tant de magnificences, on pouvait tirer l’échelle. Nous ne nous doutions guère que nous n’étions encore, comme on dit, qu’au milieu de la peste : toujours au son de la musique, on nettoie la table à fond, puis on nous présente trois cochons blancs muselés et agrémentés de clochettes. L’esclave chargé d’annoncer les plats déclare que l’un a deux ans, l’autre trois et que le dernier est déjà vieux. Je crus à un numéro de cirque : c’était sans doute des porcs acrobates dressés à faire des tours merveilleux. Trimalcion coupa court à nos incertitudes : « Lequel des trois, dit-il, voulez-vous qu’on vous serve sur-le-champ ? A la campagne, on prépare ainsi un poulet, un faisan ou autres bagatelles. Mes cuisiniers, eux, sont outillés pour faire bouillir à la fois un veau entier. »

Sur ce, il fait appeler le cuisinier et, sans attendre notre choix, il lui ordonna d’égorger le plus vieux. Puis, forçant la voix : « De quelle décurie es-tu ? lui dit-il. — De la quarantième. — Né chez moi ou acheté ? — Ni l’un ni l’autre : je vous ai été légué par Pansa. — Arrange-toi pour nous servir vite, sans quoi je te flanque dans la décurie des valets de basse-cour[1]. » Le cuisinier, sachant à quel

  1. Chaque corps de métier était divisé en décuries. Chaque décurion avait un certain nombre d’ouvriers sous ses ordres. Trimalcion apprend aux convives que ses esclaves sont divisés en décuries pour leur donner l’idée de l’énormité de son train de maison. En réalité, chez un Romain riche, il y avait trois sortes de domestiques : les atrienses, pour le service intérieur, les vialores ou cursores, qu’on