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à vos côtés comme un petit esclave. Car dès qu’il a un moment on ne peut plus lui tirer le nez de ses livres. Il a de l’intelligence et une heureuse nature.

« Sa maladie, c’est la chasse aux oiseaux. Je lui ai déjà tué trois chardonnerets et je lui ai dit que c’était la belette qui les avait mangés : mais il en a trouvé d’autres. Il aime beaucoup faire des vers. Du reste, il a déjà envoyé le grec au diable et il commence à mordre au latin, quoique son maître se gobe trop et n’ait pas de suite dans les idées : il connaît bien son affaire, mais c’est un flemmard. Le petit a aussi un autre maître qui ne sait pas grand’chose, mais qui est tout ce qu’il y a de consciencieux, tant et si bien qu’il enseigne même ce qu’il ne sait pas. Il s’amène généralement les jours de fête et se contente du peu qu’on lui donne.

« Je viens d’acheter à mon gamin des bouquins rouges[1] : je veux qu’il goûte un peu du droit ; ça peut servir à la maison et c’est une science qui nourrit son homme : il n’est déjà que trop entiché de littérature. S’il mord au droit, je lui ferai prendre un métier, barbier, crieur public ou même avocat[2], un métier enfin que rien ne puisse plus lui enlever des mains que la mort. Aussi je lui répète tous les jours : « Mon aîné, crois-moi, tout ce que tu

  1. Libra rubricata : c’étaient des livres de droit. Dans les ouvrages de jurisprudence, les titres étaient, en effet, en lettres rouges. D’où le mot français rubrique, usité d’abord dans la langue du droit.
  2. Barbier si c’est possible, avocat faute de mieux : Juvénal nous apprend (Sat. I) que souvent un barbier l’emportait en fortune ou en influence sur un sénateur. Sous Néron et ses successeurs, les charges les plus hautes de l’État furent souvent occupées par des barbiers et des baigneurs.

    De même Martial raconte (liv, VI, épigr. 8) qu’un père avait refusé sa fille à deux prêteurs, quatre tribuns, sept avocats et dix poètes, pour la donner à un crieur public.