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L'ŒUVRE DE PÉTRONE

au moment où nos fragments s’arrêtent. Donc, en considérant l’épisode de Trimalcion comme un livre complet ne présentant ni lacunes ni abréviations, en supposant tous les livres à peu près d’égale longueur, en admettant enfin que l’ouvrage s’arrêtât à la fin du livre XVI ou peu après, hypothèse encore plus douteuse que les deux précédentes, il faudrait multiplier par seize la longueur du Banquet, qui compte environ cinquante paragraphes, pour avoir approximativement celle de l’ouvrage ! Quelle que soit la valeur de cette méthode de calcul, ce qui est certain, c’est que le roman formait un énorme manuscrit dont le dessus et sans doute aussi le dessous se sont perdus et dont le milieu seul a été conservé.

Dans la partie qui subsiste on trouve du reste tant d’allusions à des événements qui n’y sont pas mentionnés qu’il est impossible à première vue de ne pas s’apercevoir que le texte qui nous est parvenu n’est qu’une suite. Enfin, les écrivains du moyen âge citent divers passages de Pétrone, que nous n’avons plus.

Le fragment même que nous possédons n’est pas complet : il présente des lacunes dont il est difficile d’apprécier l’importance. Certaines incohérences, certaines transitions défectueuses, certaines faiblesses de style révèlent le travail plus ou moins adroit d’un abréviateur qui a copié fidèlement divers morceaux, qui en a sauté d’autres, qui en a enfin résumé. Il paraît du reste n’avoir pas opéré au hasard. « Il semble, dit M. Lecoultre[1], que l’abréviateur, s’il a été guidé par un principe quelconque, a eu soin de nous conserver des discussions sur la décadence de l’art oratoire, qui étaient si fréquentes au premier siècle, les discours ridicules d’un parvenu qui cite des auteurs à tort et à travers et les élucubrations d’un poète de l’école classique qui proteste contre les innovations de Lucain. » Ces préoccupations littéraires

  1. Lecoultre, Notes sur Pétrone, page. 326.