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con, ce vieux grigou, jette son intendant aux bêtes[1]. C’est se donner en spectacle de gaîté de cœur. En quoi l’esclave est-il coupable ? Il lui fallait bien obéir à sa maîtresse. C’est plutôt ce sac à foutre qu’il fallait jeter au taureau[2]. Mais quand on ne peut frapper l’âne on se venge sur le bât. Du reste, Glycon aurait dû se douter que la fille d’Hermogène ne ferait pas une bonne fin. Autant vouloir couper les ongles à un milan en plein essor. Une couleuvre n’engendre par une corde[3]. Glycon a tendu la joue : le voilà marqué pour la vie d’une tache que seule la mort effacera à chacun de porter les conséquences de ses actes.

« Mais je subodore déjà le festin que Mammea va nous donner : il y aura bien deux deniers d’or pour moi et les miens. S’il fait cela, puisse-t-il supplanter complètement Norbanus dans la faveur publique et voguer à pleines voiles vers la fortune.

« Et, en définitive, qu’est-ce que l’autre a fait de bon ? Il nous a exhibé des gladiateurs de quatre sous, déjà si décrépits qu’un souffle les eût fait tomber. Ils n’étaient pas même bons pour être exposés aux bêtes. Il y avait des cavaliers combattant aux flambeaux : ils avaient l’air de vraies poules mouillées. L’un engourdi, l’autre cagneux,

  1. Auguste, par la loi Julia, ne punissait l’adultère que de l’exil. Toutefois, il était permis au mari qui surprenait son esclave en flagrant délit de le tuer. Ce grigou de Glycon a trouvé moyen de concilier sa vengeance et ses intérêts : il a vendu son esclave à Titus, à condition qu’il le fit jeter aux bêtes. La peine de mort contre l’adultère n’a été établie que par Théodose et Justinien.
  2. Tel était en effet le supplice réservé aux femmes adultères. Nodot prétend « qu’on les exposait ainsi à la fureur des cornes d’un taureau pour en avoir fait pousser sur le front de leurs maris !… »
  3. Ce proverbe nous a été conservé sous une autre forme : E vipera rursum vipera nascitur, d’une vipère naît toujours une vipère. Nous disons, dans le même sens : Bon chien chasse de race.