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sonnages. Voyez-vous celui-là, là-bas, qui a la plus mauvaise place au plus mauvais côté de la table ? Il a pourtant ses huit cent mille sesterces aujourd’hui. Il est parti de rien ; autrefois il était porteur de bois. À ce qu’on raconte — moi je n’en sais rien, mais je l’ai entendu dire — ayant trouvé moyen de voler son chapeau à un incube[1] il a dernièrement découvert un trésor. Moi je ne suis jaloux de personne ; tant mieux pour ceux qu’un dieu favorise. Pourtant s’il est affranchi, il n’a pas reçu encore le soufflet[2]. Mais il ne s’en porte pas plus mal. Aussi dernièrement faisait-il afficher : Pompeius Diogenes met aux calendes de juillet[3] sa mansarde en location, s’étant acheté une maison bourgeoise. »

— « Et celui-là qui est à la place des affranchis[4],

    bares et étrangères, fourmilleront de solécismes et de barbarismes, de mots bâtards formés du grec et du latin, de proverbes et de quolibets les plus grossiers ce qui nous donnera une juste idée… de la société que rassemble autour de lui ce Trimalcion, esclave parvenu, dont les goûts dépravés ne tarderont pas à se faire connaître. L’hôte et les convives sont dignes les uns des autres, et peuvent aller de pair ; il n’y a dans leurs discours ni justesse, ni suite, ni liaison, ni sens. »

  1. On croyait que les trésors cachés étaient gardés par des incubes qui portaient de petits chapeaux : si l’on s’emparait de leur coiffure on pouvait les forcer à découvrir la place du trésor qu’ils gardaient.
  2. Pour affranchir un esclave, le magistrat lui donnait un soufflet. Tant que cette cérémonie n’était pas accomplie, l’affranchi ne jouissait que d’une liberté limitée : il pouvait faire des affaires, accumuler de l’argent, acheter des biens, mais non disposer de sa fortune après sa mort, et il avait toujours à craindre d’être rappelé en esclavage.
  3. Chez les Romains, le terme était au mois de juillet dans les villes pour les maisons, au mois de mars pour les terres.
  4. Il y a deux mots pour désigner les affranchis : libertini et liberti. Le premier désigne ceux qui étaient complètement et définitivement sortis de la condition servile et avaient reçu le soufflet du magistrat. Le second, ceux qui ne pouvaient tester et qui étaient