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« Quant à Trimalcion, il a des terres qui vont plus loin que ne vole le milan, et, en espèces, des mille et des cents ; on voit plus d’argent dans la loge de son concierge que bien des riches n’en possèdent pour tout patrimoine. Il regorge d’or. Quant à ses domestiques, hé ! ma foi ! je ne pense pas, tant ils sont nombreux, qu’un sur dix connaisse le maître. Et cependant, d’un coup de baguette, il les ferait tous rentrer dans un trou de souris.

XXXVIII. OU L’ON FAIT CONNAISSANCE AVEC LES AMIS DE TRIMALCION

« Et n’allez pas croire qu’il ait besoin de rien acheter. Il tire tout de chez lui la laine, la cire, le poivre, et si vous lui demandiez du lait de ses poules[1], il vous en trouverait aussitôt. Sa laine n’était pas fameuse : pour l’améliorer il a fait acheter des béliers de Tarente. Pour avoir chez lui du miel attique, il a fait venir des abeilles d’Athènes afin d’affiner les siennes par le croisement. Ces jours-ci ne s’est-il pas avisé d’écrire aux Indes qu’on lui envoie de la graine de champignons ! Il n’a pas une mule qui n’ait pour père un onagre. Voyez tous ces lits, il n’y en a pas un dont la laine ne soit teinte en pourpre ou en écarlate. On peut dire que voilà un homme heureux !

« Et ses camarades, affranchis comme lui, vous auriez tort de les mépriser[2]. Ils sont tous devenus de gros per-

  1. Du lait de ses poules : expression proverbiale qui, d’après Erasme, désigne une chose rare ou introuvable.
  2. A de rares exceptions près, il n’y a donc à la table de Trimalcion que des affranchis. La conversation de ces gens est vulgaire et incorrecte. « Leurs locutions, dit C. H. de Guérie, seront bar-