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Coupez. De sorte que chaque fois que le maître dit : « Coupez », d’un seul et même mot il l’interpelle et lui donne un ordre.

XXXVII. OU L’ON FAIT CONNAISSANCE AVEC FORTUNATA, ÉPOUSE DE TRIMALCION

Il m’était impossible de manger davantage. Je me tournai donc vers mon voisin pour en tirer le plus de renseignements que je pourrais. Amenant la question de loin, j’en vins à lui demander quelle était cette femme que l’on voyait sans cesse aller et venir. «  C’est l’épouse du maître, me répondit-il. On la nomme Fortunata, et il est certain qu’elle mesure l’or au boisseau. — Et d’où sort-elle ? — Sauf votre respect, vous n’eussiez pas voulu recevoir de sa main un morceau de pain[1]. Maintenant, sans qu’on puisse dire pourquoi ni comment, elle s’est élevée jusqu’aux nues, et pour Trimalcion elle est tout. C’est au point que si, en plein midi, elle lui dit qu’il fait voir, il le croira[2]. Lui-même ignore ce qu’il possède, tant ses richesses sont immenses. Mais ce chameau veille sur tout, et là où on ne l’attend pas on la trouve. Elle boit peu, mange peu ; elle est de bon conseil, avec cela très mauvaise langue, une vraie pie d’oreiller[3] ; quand elle aime, elle aime, mais ceux qu’elle n’aime pas !…

  1. Nous verrons en effet au chapitre 74 que le premier métier de Fortunata était de faire du pain.
  2. A partir d’ici nous n’avons plus pour guide que le manuscrit de Trau qui seul nous a conservé la suite du festin de Trimalcion jusqu’au chapitre 79.
  3. Une pie d’oreiller : une femme qui bavarde la nuit avec son mari aux dépens de ceux qu’elle n’aime pas.