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d’œuvre la symphonie, les entrées sont enlevées, toujours en chantant, par un chœur d’esclaves.

Dans ce tumulte, un plat d’argent tombe par terre : un esclave s’empresse de le ramasser, mais Trimalcion, qui a l’œil à tout, fait donner à ce malotru une paire de soufflets et ordonne qu’on rejette le plat par terre. Il fait signe à un balayeur qui pousse ce beau plat d’argent sur un tas d’ordures.

Alors entrent deux Éthiopiens à la longue chevelure, munis de petites outres comme celles dont se servent ceux qui arrosent l’amphithéâtre. Ils nous versent du vin sur les mains. Quant à de l’eau, personne n’en apporte. On complimenta le maître de céans pour ce raffinement inédit. « Mars, dit-il, aime l’égalité[1]. Je fais donc assigner à chacun sa table. Ainsi, expliqua-t-il, ces esclaves puant la crasse, moins nombreux, nous feront moins chaud. » Aussitôt on apporte des amphores de cristal soigneusement cachetées, au col desquelles étaient pendues des étiquettes ainsi libellées : Falerne opimien de cent ans[2].

Tandis que nous lisons l’étiquette, Trimalcion bat des

    d’œuvre, ce qu’on mange avant de boire le mulsum, et promulsidarium, plateau sur lequel on servait les hors-d’œuvre.

  1. Ce qui équivaut au proverbe français : le soleil luit pour tout le monde.
  2. Ce falerne, recueilli sous le consulat d’Opimius, vers 630 de Rome, était resté célèbre. Pline (liv. XIV, chap. 3) dit qu’on en buvait encore à son époque, c’est-à-dire près de deux cents ans après. Bien que cette récolte fut épuisée depuis longtemps, on en servait toujours. On pourrait être tenté de chercher dans ce passage une indication pour dater le Satyricon. Ce serait en vain : le chiffre cent n’a rien de précis. Nous croyons même à une plaisanterie de l’auteur. On disait : Falerne opimien ou Falerne de cent ans, suivant les cas. Trimalcion, pour faire plus d’effet, combine sur son étiquette les deux libellés sans se douter qu’ils sont contradictoires.