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INTRODUCTION

et par suite, si elle est erronée, elle en fausse radicalement l’interprétation si T. Pétrone a été contemporain de Néron, ses jérémiades sur la décadence de la poésie et surtout de la peinture ne peuvent passer que pour les déclamations prophétiques peut-être, mais très exagérées, d’un esprit chagrin quoique clairvoyant. N’est-il pas plus beau et aussi plus vraisemblable de voir en notre auteur un dernier adorateur et un dernier représentant de l’idéal classique égaré en pleine décadence et sentant déjà la barbarie proche ?

Si T. Pétrone est mort en 66, c’est-à-dire deux ans avant Néron, il a entendu situer son roman sous Auguste ou Tibère, et les mœurs qui s’y trouvent décrites sont celles de ses contemporains. Si cette date est erronée, l’historien qui l’adopte risque de se figurer la Rome des Césars comme déjà rendue à un degré de décadence, de décomposition morale qui, en réalité, n’a été atteint qu’un ou deux siècles plus tard.

Enfin, le critique qui fait de T. Pétrone presque un contemporain d’Auguste sera porté à se dissimuler les défauts de sa langue, ceux de son style, ceux de sa poétique. Et cela est si vrai que le suprême argument qu’allèguent les partisans de l’hypothèse que nous combattons en ce moment, c’est la pureté de la langue, la pureté du style, l’élégance classique des vers chez Pétrone. Il nous semble, au contraire, que ses rares qualités ne doivent pas servir à nous dissimuler des défauts assez visibles et même assez gros. N’est-il pas dangereux d’admettre trop facilement au nombre des modèles classiques un écrivain qui, à plus d’un titre, ne le mérite pas complètement, et une erreur de date qui engendrerait un tel aveuglement serait-elle sans conséquence et pour le goût littéraire et pour l’esprit critique lui-même ? N’est-il pas plus intéressant, pour peu que l’hypothèse soit vraisemblable, de se représenter en Pétrone un dévot de la littérature et de l’art antiques se débattant en pleine décadence, subissant cependant, malgré lui, les