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L'ŒUVRE DE PÉTRONE

mal atteint son but, puisque pour certains commentateurs. c’est Néron qu’il a voulu peindre sous les traits de Trimalcion, tandis que pour d’autres ce parvenu vieux et ridicule peut tout au plus être identifié à Tigellin. On ne comprend pas davantage comment il a pu perdre un temps précieux sur des hors-d’œuvre inutiles à sa vengeance, comme, par exemple, la matrone d’Ephèse.

Avant de la cacheter, il aurait dû prendre le temps des faire copier sa diatribe, car il est difficile d’admettre que Néron ait poussé l’amour des belles-lettres jusqu’à livrer bénévolement à la publicité un écrit destiné à le tourner en ridicule.

Enfin, l’identification des deux Pétrone ne date que du xvie siècle, et Pithou, qui en est l’auteur, ne la donne que pour une simple conjecture. Comment se fait-il que l’œuvre d’un personnage illustre, illustré en outre par Tacite et traitant par surcroît d’un Néron, ne soit mentionnée ni par Suétone ni par Pline, ni par Martial, ni par Juvénal, et que Quintilien même, si bien informé de tout ce qui s’était écrit avant lui, ait négligé d’en parler. On a allégué, il est vrai, le témoignage de Terentianus Maurus, mais pour le placer sous Domitien il faut l’identifier avec le Terentianus, fonctionnaire en Afrique, mentionné par Martial, ce qu’on fait sans l’ombre d’une preuve. Bien plus, Lactance-Placide accuse T. Pétrone d’avoir pris dans la Thébaïde de Stace, qui mourut sous Trajan, l’hémistiche fameux :

C’est la crainte d’abord qui créa les dieux,

ce qui repousse assez bas dans l’histoire des lettres latines et Pétrone et, par suite, Terentianius Maurus qui le mentionne.

Nous n’aurions pas discuté aussi longuement cette hypothèse si elle avait pour seule conséquence d’attribuer à l’auteur de Satyricon une biographie de fantaisie. Mais elle fixe, ce qui est beaucoup plus grave, la date de l’œuvre