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Donc pour ne pas laisser échapper la proie, nous nous résignâmes à une concession sur le prix du manteau, certains par ailleurs d’un bénéfice qui compensait, et largement, notre perte.

Nous étalons donc notre marchandise. Mais aussitôt la femme voilée qui accompagnait le campagnard, en ayant considéré fort attentivement les dessins, saisit les deux pans et s’écria, de toutes ses forces, qu’elle tenait ses voleurs. Désarçonnés, pour ne pas rester là sottement bouche bée, nous mettons à notre tour la main sur la tunique, et nous réclamons avec un égal acharnement cette défroque sale et déchirée qui était notre bien et qu’on nous avait volée.

Mais la partie n’était pas égale et les courtiers, accourus à nos cris, trouvaient nos prétentions tout à fait ridicules d’un côté on réclamait un vêtement de luxe, de l’autre une guenille dont le chiffonnier n’aurait pas voulu. Mais Ascylte, ayant trouvé moyen de couper court aux rires, s’écria dans un profond silence :

XV. LA TUNIQUE RETROUVÉE (fin)

« La voilà bien la preuve que chacun tient comme à ses yeux à ce qui lui appartient : qu’ils nous rendent notre tunique et qu’ils reprennent leur manteau. »

L’échange n’aurait pas déplu au campagnard et à sa femme, mais deux hommes de loi, rapaces nocturnes qui comptaient bien faire argent du manteau, insistaient pour qu’il fût déposé entre leurs mains et que le lendemain le juge tranchât notre querelle, car il ne s’agissait pas seulement de ce qui faisait l’objet du litige. L’affaire