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la tunique et ne voyant dans ce haillon que la défroque d’un mendiant, il ne songeait qu’à s’en débarrasser.

Ascylte, ayant vérifié que le dépôt était toujours là et que le vendeur n’était pas de taille à lutter avec nous, me prit à part : « Sais-tu bien, dit-il, mon vieux, voilà que nous revient le trésor que je t’accusais d’avoir pris. Ou je me trompe fort ou le magot est encore au complet dans la doublure. Et maintenant, que faire, ou de quel droit revendiquer notre bien ? »

Je nageais dans la joie : non seulement nous retrouvions notre argent, mais encore le hasard me lavait d’un soupçon déshonorant. J’opinai que, sans prendre de détour, nous portions carrément l’affaire sur le terrain juridique on refuse de rendre l’objet du litige à son possesseur légitime ; nous faisons opposition devant le préteur…

XIV. LA TUNIQUE RETROUVÉE (suite)

Ascylte, au contraire, redoutait les tribunaux : « Qui nous connaît ici ? disait-il. Qui croira ce que nous racontons ? J’aime mieux racheter, bien qu’elle soit à nous, la robe que nous venons de retrouver et recouvrer notre trésor pour quelques sous que de m’engager dans un procès incertain :

Que peuvent les lois, quand l’argent seul est maitre,
Quand il suffit d’être un pauvre pour avoir tort ?
Celui même qui traverse la vie avec la besace du cynique,
Sait au besoin monnayer ses paroles.
Donc la justice n’est rien qu’une surenchère
Et le juge, dans sa majesté du tribunal, qu’un commissaire-priseur.

Mais sauf un double as mis de côté pour acheter des lupins et des pois chiches, nous n’avions rien en poche.