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la grand’route, où il rencontra deux de ses amis qui lui racontèrent qu’ils avaient parcouru tous les sentiers de la forêt sans trouver autre chose qu’une méchante tunique qu’ils nous montrèrent. Je n’eus pas le toupet de la réclamer, comme bien on pense, quoique sachant de bonne source tout ce qu’elle valait. Mais on juge de ma douleur et si je pleurais mon trésor ravi par des rustres qui en ignoraient l’existence. Me sentant de plus en plus faible, je marchais moins vite que de coutume ; je n’arrivai donc qu’assez tard à la ville.

A l’auberge, je trouve Ascylte à moitié mort, étalé sur un grabat, et je tombe moi-même sur l’autre lit sans pouvoir proférer une parole. Mais lui, bouleversé de ne pas revoir la tunique à moi confiée : « Qu’en as-tu fait ? » s’écrie-t-il précipitamment. Je défaillais, mais ce que ma voix ne disait pas, mon regard navré l’expliquait assez. Enfin, mes forces revenant un peu, je pus lui raconter mon infortune.

Il crut que je me jouais de lui, et quoiqu’une abondante pluie de larmes confirmât mon serment, il le mit carrément en doute, se figurant que je voulais lui prendre sa part. Giton, qui nous écoutait, était aussi triste que moi, et la douleur de cet enfant augmentait mon chagrin. Mais ce qui me tourmentait le plus, c’était de nous savoir recherchés ; je fis part de mes craintes à Ascylte, qui ne s’en émut guère, parce qu’il s’était heureusement tiré d’affaire. Il nous croyait au surplus en sûreté dans une ville où nous étions totalement inconnus et où personne ne nous avait vus. Nous feignîmes toutefois d’être malades, afin d’avoir un prétexte pour garder la chambre. Mais le défaut d’argent nous força à sortir plus tôt que nous n’aurions voulu et, sous l’aiguillon de la nécessité, à mettre en vente le produit de nos rapines.