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et comment nous avions été les jouets de l’amour. Il nous conseilla de prévenir Lycurgue en notre faveur et de l’assurer que c’était encore l’incandescence de Lycas qui était la cause d’un déménagement si rapide et si furtif. L’affaire entendue, Lycurgue jura qu’il serait toujours avec nous contre nos persécuteurs.

Notre fuite avait passé inaperçue. Ce ne fut qu’au réveil de Tryphène et de Doris qu’on la remarqua : nous ne manquions pas, en effet, chaque jour, d’assister galamment à leur toilette matinale. Notre absence lui paraissant anormale, Lycas envoie à notre recherche, surtout du côté de la mer, et apprend notre visite au navire, mais d’un larcin, rien : on l’ignorait encore, car la poupe regardait la pleine mer, et quant au capitaine, il n’était pas encore revenu. Voilà notre fuite bien établie et mon Lycas navré de me perdre, déblatérant véhémentement contre Doris, qu’il soupçonnait d’en être la cause.

Je passe sur ses violences orales et manuelles, n’en ayant pas connu le détail. Je dirai seulement que Tryphène, cause de tout ce grabuge, persuada Lycas d’aller nous chercher chez Lycurgue, où nous nous étions sans doute réfugiés, et voulut elle-même l’accompagner pour nous écraser sous notre honte, comme nous le méritions. Le lendemain, ils se mettent en route et arrivent au château. Nous étions sortis : Lycurgue nous avait conduits à la fête d’Hercule qu’on célébrait dans un bourg voisin.

Sitôt informés, sans perdre une minute, ils partent à notre rencontre et nous trouvent sous le portique même du temple. En les apercevant, nous fûmes fortement troublés. Lycas se plaignit violemment à Lycurgue de notre désertion. Mais il fut reçu d’un front si sombre et d’un sourcil si méprisant que, recouvrant quelque audace, je lui jetai à la tête, en ayant soin de parler très haut,