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paraît un jeu — le soleil, le feu et le vent qui me mettent ainsi.

Les pensers sont des flèches, votre visage est un soleil et le désir un feu ; c’est avec toutes ces armes à la fois qu’Amour me blesse, m’éblouit et me consume.

Et l’angélique chant, et les paroles, et la douce haleine, qui font que je ne puis me défendre, sont l’air même devant qui ma vie s’enfuit.


SONNET LXXXIX.

Il prie Laure de voir la cruelle agitation dans laquelle elle l’a jeté.

Je ne trouve point de paix et je n’ai pas à faire de guerre ; et je tremble et j’espère, et je brûle, et je suis comme une glace. Je vole au-dessus des cieux et je rampe sur terre ; je n’étreins rien et j’embrasse le monde entier.

Celle qui me tient en prison, ne m’ouvre ni ne me ferme la porte ; elle ne me retient point dans ses liens, ni ne m’en délivre ; Amour lui-même ne veut ni me tuer, ni briser mes fers ; ni m’avoir en vie, ni me tirer de peine.

Je vois sans yeux ; je n’ai pas de langue et je crie ; je souhaite mourir et je réclame aide ; et je me hais moi-même, et j’aime autrui.

Je me repais de douleur ; je ris en pleurant ; la mort et la vie me déplaisent également. Voilà, madame, en quel état je suis à cause de vous.