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était déjà toute couverte de cet amoureux nuage. Telle fleur tombait sur le bord de sa robe, telle autre sur ses tresses blondes, qui ce jour-là ressemblaient à de l’or poli et à des perles. Une autre tombait à terre, une autre dans l’eau ; une autre, tombant en tournoyant avec grâce, semblait dire : ici règne Amour.

Combien de fois alors ai-je dit plein d’épouvante : pour sûr, elle est liée au paradis ! Son port divin, son air, ses paroles, son doux rire m’avaient fait tellement oublier la réalité, et m’en avaient tellement éloigné, que je disais en soupirant : comment suis-je venu ici et quand ? croyant être au ciel et non là où j’étais réellement. Depuis ce moment, ces lieux si verdoyants m’ont tellement plu, que je n’ai pas de repos ailleurs.

Chanson, si tu avais autant de charmes que tu désires en avoir, tu pourrais hardiment sortir de ce bois et t’en aller par le monde.


CANZONE XII.

Loin de Laure, il se console en retrouvant partout sa belle image.

Il faut que je tourne mes rimes douloureuses du côté où Amour me pousse, car elles sont les humbles suivantes de mon esprit affligé. Quand en serai-je aux dernières, et que sont déjà loin les premières ! Celui qui s’entretient avec moi de mon mal, me laisse dans le doute, si confusément il me dicte. Mais néanmoins ; selon que je trouve en mon cœur, écrite de la propre main de l’amour, l’histoire de mon martyre, je parlerai ; car en parlant, on met une trêve aux soupirs et on apporte un soulagement à la douleur. Je dis que,