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reux se voient l’un l’autre ; cette pensée compatissante se manifesta de telle sorte que les autres ne s’en aperçurent pas ; mais je m’en aperçus, moi qui n’ai jamais les yeux fixés ailleurs.

La vue la plus angélique, l’acte le plus courtois qui se soit jamais vu chez une dame férue d’amour, aurait paru comme un acte de dédain à côté de ce dont je parle.

Elle inclinait à terre son beau et noble regard, et disant dans son silence, ainsi qu’il me sembla : qui donc éloigne de moi mon fidèle ami ?


SONNET LXXXIV.

Amour, Fortune, et le souvenir du passé lui interdisent d’espérer des jours heureux.

Amour, Fortune et mon esprit dédaigneux de ce qu’il voit et tourné vers le passé, me tourmentent tellement, que je porte parfois envie à ceux qui sont sur l’autre rive.

Amour me consume le cœur ; Fortune lui enlève tout confort, et mon esprit affolé s’irrite et se plaint ; et c’est ainsi qu’il me faut vivre constamment sous le poids d’une grande peine.

Je n’espère pas que les jours heureux reviennent, mais qu’au contraire le reste de ma vie n’aille de mal en pis ; et j’ai déjà dépassé la moitié de ma course.

Hélas ! je vois tout espoir tomber de mes mains, non comme si c’était du diamant, mais du verre, et tous mes projets se briser par le milieu.