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SONNET LXXIX.

Il ne désire, il ne voit que l’image de sa Dame.

Plein de cette ineffable douceur que mes yeux tirèrent du beau visage de Laure, le jour où je les aurais volontiers fermés pour ne jamais voir de beauté moindre,

Je quittai ce que j’aime le plus, et mon esprit est si habitué à contempler uniquement Laure, qu’il ne voit pas autre chose, et que tout ce qui n’est pas elle, depuis longtemps il le hait et le dédaigne.

Dans une vallée fermée de tous côtés, et où je trouve le soulagement à mes peines, je suis venu seul avec Amour, à pas lents et tout rêveur.

Là point de dames, mais des sources et des rochers ; et j’y retrouve le souvenir de ce jour que ma pensée se retrace, où que je porte les yeux.


SONNET LXXX.

S’il pouvait voir la maison de Laure, ses soupirs seraient moins cuisants.

Si la montagne qui ferme principalement ce val, dont le nom dérive de là, avait, par dédain, le front tourné vers Rome et le dos vers Babel,

Mes soupirs auraient un chemin plus facile pour aller où vit leur espérance. Maintenant, ils s’en vont épars, et pourtant chacun d’eux arrive là où je l’envoie, et pas un ne manque d’y aller.

Et ils sont si doucement accueillis là-bas, comme je m’en aperçois, qu’aucun d’eux ne revient jamais, mais qu’ils y restent, tellement ils y trouvent de plaisir.

C’est pour mes yeux qu’est la douleur ; car aussitôt