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pâlir mes disciples, et comment, en un moment, je les fais mourir et vivre.

Il fut un temps où tu l’éprouvas par toi-même, vulgaire exemple pour la foule des amants : puis un autre souci t’arracha de mes mains, mais je te rattrappai pendant que tu fuyais.

Et si les beaux yeux où je me montrai à toi, et où j’avais établi mon doux séjour quand je fendis la dureté de ton cœur,

Me rendent l’arc qui triomphe de tout, tu n’aurais peut-être pas toujours le visage sec ; car je me repais de larmes, et tu le sais.


SONNET LXIII.

Il décrit l’état de deux amants, et en prend occasion pour revenir sur lui-même.

Quand l’image souveraine arrive par les yeux au plus profond du cœur, toute autre pensée en sort ; et les facultés que l’âme distribue abandonnent les membres comme un poids immobile.

Et de ce premier miracle naît alors le second ; il advient que la partie chassée, fuyant de sa propre demeure, arrive en un lieu où elle trouve sa vengeance et un exil joyeux.

Puis sur deux visages apparaît la couleur de la mort, parce que la vigueur qui les faisait paraître vivants, n’est plus d’aucun côté à la place où elle était auparavant.

Et je me souvenais de cela, le jour où je vis deux amants se transformer ainsi, et montrer sur leur visage ce que le mien a l’habitude de faire voir.