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SONNET LI.

Si son ardeur amoureuse croit encore si fort, il prévoit qu’il ne tardera pas à mourir.

Si le milieu et la fin de la quatorzième année que je soupire répondent au commencement, le frais zéphir, ni l’ombre ne peuvent plus me sauver, tellement je sens croître mon ardent désir.

Amour, avec qui les pensées n’ont jamais de mesure, et sous le joug duquel jamais je ne respire, me gouverne de telle façon que je suis déjà à moitié défait par la faute de mes yeux que je tourne sans cesse vers la cause de mon mal.

Ainsi, je vais me consumant de jour en jour si insensiblement, que je suis seul à m’en apercevoir, et regardant celle qui me ronge le cœur,

J’ai eu grand’peine à suivre jusqu’ici mon âme, et je ne sais jusqu’à quand elle restera avec moi, car la mort s’approche et la vie s’enfuit.


SIXAIN IV.

Il s’est malheureusement embarqué sur le navire fragile d’Amour, et il prie Dieu de l’amener à bon port.

Celui qui est résolu à passer sa vie sur les ondes perfides et à travers les écueils, séparé de la mort par une frêle planche, ne saurait être bien loin de sa fin ; il serait donc prudent à lui de rentrer au port, pendant que la voile obéit encore au gouvernail.

La brise suave à qui, en entrant dans la vie amoureuse, j’ai confié mon gouvernail et ma voile, dans l’espoir d’arriver à meilleur port, m’a conduit depuis au milieu de plus de mille écueils ; et ce n’était pas