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SONNET XLVI.

S’il ne parle de Laure comme elle le mérite, la faute en est à Amour qui la fit si belle.

Je suis déjà las de penser comment il se fait que mes pensées ne soient pas lasses de parler de vous, et que je n’aie pas encore abandonné la vie, pour me débarrasser du lourd poids de mes soupirs ;

Et comment à parler du visage, des cheveux et des beaux yeux dont je ne cesse de m’entretenir, la langue et la voix ne m’aient jamais fait défaut, alors que nuit et jour je proclame votre nom ;

Et que mes pieds ne se soient pas rompus et lassés à suivre partout vos traces, perdant inutilement tant de leurs pas ;

Et d’où viennent l’encre et le papier que je remplis uniquement de vous ; mais, si je ne me trompe pas, c’est la faute de l’Amour, et non pas manque d’art.


SONNET XLVII.

Il s’encourage lui-même à ne point se lasser de louer les yeux de Laure.

Les beaux yeux dont je fus blessé de façon qu’eux seuls pourraient guérir ma plaie, et non point le suc des herbes, l’art de la magie, ou la vertu de certaine pierre d’outre-mer,

M’ont rendu toute autre préoccupation tellement impossible, qu’une seule douce pensée satisfait mon âme ; et si ma langue est désireuse de suivre cette pensée, c’est de celle-ci et non de ma langue qu’on peut se railler.

Ce sont ces beaux yeux qui font que les entreprises