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n’est moi-même et la surabondance de mon désir ? Oui, si je parcours le ciel de cercle en cercle, je ne vois aucune planète qui me condamne à pleurer. Si un voile mortel obscurcit ma vue, en quoi est-ce la faute des étoiles ou des belles choses ? C’est en moi que réside ce qui jour et nuit m’oppresse, depuis que m’a enivré le plaisir de sa douce vue et de son beau regard suave.

Toutes les choses dont le monde est embelli, sortirent bonnes des mains du Maître éternel ; mais moi, qui ne pénètre pas si profond, je suis ébloui par la beauté qui se montre à moi. Et si parfois je retourne à la vraie splendeur, mon œil ne peut en supporter l’éclat. Ainsi l’a rendu débile sa propre faute, et non pas le jour que je le dirigeai sur l’angélique beauté « en la douce saison du printemps. »


CANZONE VI.

Il fait un grand éloge des yeux de Laure, et avoue la difficulté qu’il y a à les louer.

Comme la vie est courte et que mon esprit s’effraye devant sa haute entreprise, je ne me fie pas beaucoup à lui ni à elle ; mais j’espère que ma douleur, que mon silence même crie, sera comprise là où je le désire, et là où elle doit l’être. Beaux yeux, où Amour fait son nid, c’est à vous que je consacre mon faible style ; s’il est paresseux de lui-même, le grand plaisir l’aiguillonne ; et qui parle de vous, tient du sujet même une noble ardeur qui, l’élevant sur les ailes amoureuses, l’éloigné de toute pensée vile. Porté sur ces ailes, je vais vous dire maintenant des choses que j’ai longtemps tenues cachées dans mon cœur.