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restera devant ses beaux yeux, cette neige qui fait naître dans les miens une pluie continuelle ; elle restera dans sa belle poitrine, cette dure glace qui tire de ma poitrine de si douloureux soupirs.

Je dois bien pardonner à tous les vents pour l’amour de celui qui m’a enfermé au milieu de deux fleuves, entre de verts herbages et une douce glace ; de sorte que, allant ensuite par mille vallons, j’ai décrit l’ombrage où j’étais, sans souci de la chaleur, de la pluie, ou du bruit des avalanches de neige.

Mais je n’ai jamais fui la neige fouettée par les vents, je n’ai jamais fui les fleuves battus par la pluie, ni la glace quand le soleil entr’ouvre les vallons, comme j’ai fui le jour où je vis Laure en ce lieu.


SONNET XLIII.

Étant tombé dans un ruisseau, il dit que Laure seule peut lui sécher les yeux.

De la mer Tyrrhénienne à la sinistre rive où pleurent les ondes battues par le vent, je vis soudain cet altier feuillage dont il faut que parle en tant d’écrits.

Amour qui bouillait au dedans de mon âme, me faisant souvenir des tresses blondes de Laure, me saisit, et je tombai dans un ruisseau caché par les herbes, non plus comme une personne vivante.

Bien que je fusse seul parmi les bosquets et les vallons, j’eus honte de moi-même ; car cela suffit bien pour un cœur gentil, et il n’est pas besoin d’autre éperon.

Néanmoins, je serais content d’avoir changé de manière, de la tête aux pieds, si un plus doux avril venait sécher mes yeux mouillés de larmes.