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semence qui était si près de produire le fruit désiré ? Quelle bête cruelle rugit dans ma bergerie ? Entre l’épi mûr et la main quel mur est dressé ?

Hélas ! je ne sais ; mais je vois bien que, pour me rendre la vie plus douloureuse, Amour m’induisit en si joyeux espoir.

Et maintenant, je me souviens de ce que j’ai lu : avant l’heure du départ suprême, l’homme ne peut se dire heureux.


SONNET XXXVII.

Amour est trop amer pour lui ; il ne peut plus goûter sa douceur.

Mes bonheurs sont tardifs et paresseux à venir ; l’espoir est incertain, et le désir monte et s’accroît ; aussi la fatigue et l’attente me pèsent également ; mais, pour s’en aller, mes bonheurs sont plus agiles que le tigre.

Hélas ! les neiges deviendront tièdes et noires, la mer sera sans ondes, les poissons vivront sur les Alpes, et le Soleil remontera vers les lieux où l’Euphrate et le Tibre coulent d’une même source,

Avant que je trouve en cela paix ou trêve, ou avant qu’Amour et ma Dame n’en usent autrement, lesquels sont, à tort, conjurés contre moi.

Et si jamais je goûte quelque douceur, ce sera après tant d’amertumes, que, l’ayant en dédain, je n’en pourrai savourer le goût. Jamais je n’eus d’eux d’autres faveurs.