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BALLADE III.

Il se croyait délivré de l’Amour, et il voit qu’il en est plus que jamais esclave.

Ce feu que je croyais éteint par la froide saison et par l’âge moins froid, renouvelle en mon âme sa flamme et mon martyre.

À ce que je vois, ses étincelles n’avaient jamais été entièrement éteintes, mais seulement un peu recouvertes ; et je crains que ma seconde erreur ne soit pire que la première.

Grâce aux larmes que je répands par milliers, il faut que ma douleur s’échappe, par les yeux, de mon cœur qui contient lesdites étincelles et qui les nourrit ; mais cette douleur n’est pas seulement ce qu’elle était auparavant, car elle me semble avoir augmenté.

Ce feu, les larmes que versent sans cesse mes tristes yeux, n’auraient-elles pas dû déjà l’éteindre et l’anéantir ? Amour — bien que je m’en sois aperçu trop tard — veut que je me consume entre deux choses contraires, et il tend ses lacs de tant de façons, qu’au moment où j’ai le plus espoir d’en débarrasser mon cœur, plus il m’englue dans ce beau visage.


SONNET XXXVI.

Trahi, désillusionné sur les promesses de l’Amour, il mène une vie plus douloureuse qu’avant.

Si, grâce à l’aveugle désir qui me ronge le cœur, je ne me trompe pas moi-même en comptant les heures, maintenant, pendant que je parle, finit le moment où vous m’aviez promis de m’accorder merci.

Quelle est l’ombre assez cruelle pour étouffer la