Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’accroissent alors que l’éternelle lumière est près de nous quitter.

Quand le soleil meut ses roues enflammées, pour faire place à la nuit, alors que l’ombre plus grande descend des hautes montagnes, l’avare laboureur ramasse ses instruments de travail, et, par ses chants et ses mélodies rustiques, chasse de son sein toute fatigue. Puis il charge sa table de mets misérables, semblables à ces glands que tout le monde honore en les fuyant. Mais se repose de temps en temps quiconque voudra ; pour moi, je n’ai pas encore eu une heure, je ne dirai pas de joie, mais de repos, quels que soient les mouvements du ciel et de notre planète.

Quand le berger voit les rayons de la grande planète tomber à l’endroit où il se repose pendant la nuit, et les pays d’orient s’obscurcir, il se dresse sur ses pieds, et avec sa houlette habituelle, quittant les pâturages, les fontaines et les bois, il ramène doucement son troupeau. Puis, loin des hommes, il jonche sa cabane ou quelque caverne de verts feuillages, s’y couche et y dort sans souci. Ah ! cruel Amour, c’est alors que tu me forces à poursuivre avec plus d’ardeur une bête sauvage que je ne puis atteindre, car elle se dérobe et fuit.

Et les navigateurs, au fond de quelque golfe abrité, quand le soleil se cache, jettent leurs membres fatigués sur la dure planche et sous leurs habits grossiers. Mais moi, bien que le soleil se plonge au milieu des flots, et laisse l’Espagne derrière ses épaules, ainsi que Grenade, le Maroc et les Colonnes d’Hercule ; et bien que, hommes, femmes, animaux, et le monde entier se reposent de leurs peines, je ne vois pas finir mon obstiné souci ; et je me plains que chaque jour