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tuellement si restreint, et je le lançai sur la voie quasi oubliée ; car bien que, jour et nuit, il m’invite à l’y suivre, je le mène ailleurs, contre son gré.

Et il m’amena, honteux et timide, à revoir les beaux yeux que j’évite soigneusement, pour ne pas les courroucer.

Je vivrai désormais pendant quelque temps encore, car un seul de vos regards a un tel pouvoir sur ma vie. Et puis, je mourrai, si je ne cède pas à mon désir de vous voir encore.


SONNET XXXIII.

Résolu à faire connaître ses souffrances à Laure, il devient muet, dès qu’il est devant elle.

Puisque jamais feu n’a été éteint par le feu ; puisque jamais fleuve n’a été mis à sec par la pluie, mais que toujours une chose est augmentée par une chose semblable, et que souvent aussi une chose contraire en accroît une autre,

Pourquoi, Amour, toi qui gouvernes nos pensées, toi sur qui s’appuie une âme en deux corps, pourquoi fais-tu d’une manière inaccoutumée que, dans cette âme, les désirs soient moins intenses, à cause de leur véhémence même ?

Peut-être, comme le Nil, tombant de haut, assourdit tous les voisins d’alentour par son grand fracas, et comme le soleil aveugle qui le regarde fixement,

Ainsi le désir, qui ne s’accorde pas avec lui-même, va perdant de sa force par son impétuosité à courir vers son propre objet ; et, pour trop éperonner, on retarde la fuite.