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mais il sera un ; il n’y aura plus d’été, ni d’hiver, mais le temps sera immobile comme la mort, et l’espace sera changé.

Et les années ne gouverneront plus les renommées des mortels ; au contraire, celui qui une fois sera devenu célèbre, le sera éternellement.

Heureuses les âmes qui sont ou qui seront dans le chemin qui conduit à cette fin dont je parle, quelle qu’elle soit.

Et parmi les autres âmes belles et choisies, plus heureuse encore celle que la Mort faucha bien avant le terme naturel !

C’est alors qu’apparaîtront les angéliques vertus, les paroles honnêtes et les chastes pensées que Nature avait mises dans son cœur juvénile.

Et que bon nombre de visages que le Temps et la Mort ont flétris, reviendront à leur plus florissant état ; c’est alors, Amour, qu’on verra à quoi tu m’as enchaîné.

Et je serai montré au doigt : voici, dira-t-on, celui qui pleure toujours, et au milieu de ses larmes fut plus heureux que les autres ne le furent au milieu des éclats de rire.

Et celle que je chante encore en pleurant, s’émerveillera grandement en soi-même, en se voyant louée par-dessus toutes les autres.

Quand cela arrivera-t-il ? je ne sais ; elle le sait peut-être, elle. Une telle croyance a de nombreux sectateurs ; mais qui peut connaître un si grand secret ?

Je crois que ces choses sont proches, et qu’il sera bientôt fait justice des vérités et des erreurs, car toutes les œuvres humaines seront alors comme des toiles d’araignée.