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homme sur la terre, puisque je demande comme une grâce d’être son égal ?

« J’entretiens, avec quelle peine ! quatre chevaux ; je les fais paître dans l’Océan, je les aiguillonne et je les fouette ; et je ne puis dompter la renommée d’un mortel !

« C’est une injure digne de mon courroux et non de mon dédain, même quand je serais dans le ciel, non pas le premier, mais le second ou le troisième.

« Or, il faut que mon zèle s’allume, de telle sorte que la colère double les ailes à mon vol ; car je porte envie aux hommes, et je ne le cache pas.

« J’en vois, après mille, et mille et mille ans, plus illustres encore que pendant leur vie ; et moi je marche au milieu de perpétuelles fatigues.

« Je suis aujourd’hui tel que j’étais avant que la terre fût créée, roulant jour et nuit sur la route circulaire de l’infini. — »

Après qu’il eut dit cela, il reprit, dédaigneux, son cours, plus rapide que le faucon planant de haut à la recherche de sa proie.

Je dis plus rapide ; la pensée même, et non pas seulement la parole ni la plume, ne pourrait jamais suivre son vol. Aussi, je le regardai avec une grande frayeur.

Alors, la comparant à cette admirable rapidité, j’eus d’autant plus notre existence en mépris, qu’elle m’avait auparavant paru charmante.

Et il me sembla que c’était une grande vanité que d’arrêter son cœur sur des choses que le temps efface, et qui passent au moment même qu’on croit le plus les tenir.

Donc, que celui qui a souci de soi-même, ou qui