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TRIOMPHE DU TEMPS

C’est un printemps douteux, une instable sérénité, que votre renommée ; un léger nuage suffit pour l’obscurcir. Le temps est un grand poison pour les grands noms.
(Triomphe du Temps.)

CHAPITRE UNIQUE.

Dans ce triomphe, pour montrer comment la renommée des hommes périt promptement, effacée par le temps qui la détruit, le poète fait quereller le Soleil, qui représente le Temps, avec la Renommée. Afin d’anéantir plus vite celle-ci, le Soleil redouble sa propre vitesse. Le poète se base là-dessus pour déprécier la vie humaine qui est si courte, et pour blâmer ceux qui fondent leur espérance sur elle, ou qui s’imaginent que leur renommée les fera vivre éternellement après leur mort.

Le soleil, ceint de rayons et précédé de l’Aurore, sortait de son palais d’or avec une telle précipitation que vous auriez dit : il vient seulement de se coucher.

Dès qu’il fut un peu élevé, il regarda tout autour de lui, comme font les gens sages, et il se dit à lui-même : « — À quoi penses tu ? Il faut désormais que tu montres plus de souci.

« Voici : si un homme fameux, vivant sur terre, ne doit point mourir grâce à sa renommée, qu’adviendra-t-il de la loi que le Ciel a faite ?

« Et si la renommée d’un mortel, qui devait s’éteindre si rapidement, s’accroît par la mort même, je vois notre supériorité toucher à sa fin, ce qui me fâche.

« Pourquoi attendre davantage ? ou bien que peut-il arriver de pis ? qu’ai-je dans le ciel que n’ait un