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Je vis Héraclite, écrivain obscur, et Diogène le Cynique étalant sa vie au grand jour beaucoup plus ouvertement que ne le veut la pudeur ;

Et cet autre qui, riche d’une autre richesse, vit d’un air joyeux ses champs dévastés et déserts, croyant qu’ils lui auraient attiré la haine et l’envie.

Là était Dicéarque le Curieux ; et, bien différents dans leur profession, Quintilien, Sénèque et Plutarque.

J’y vis quelques-uns qui ont troublé de vents adverses les mers et les flots de l’intelligence, illustres non par leur savoir, mais par leur manie de contredire ;

Qui se sont entrechoqués comme des lions, et se sont enchaînés avec leur queue comme des dragons, chacun d’eux se contentant de sa propre science.

Je vis Carnéades, si habile dans ses leçons, que lorsqu’il parlait, c’est à peine si l’on discernait le vrai du faux, tellement il parlait vite.

Sa longue vie et la grandeur de son génie le poussa à mettre d’accord les diverses sectes que la fureur littéraire excite à la guerre ;

Mais il ne put y parvenir, car à mesure que la science croissait, l’envie croissait aussi, et avec le savoir le venin s’emparait des cœurs enflés.

Contre le bon Sire qui éleva l’espèce humaine, en déclarant l’âme immortelle, Épicure s’arma, ce qui obscurcit sa renommée.

Il fut assez audacieux pour soutenir que l’âme n’était pas immortelle — à la fois aveugle à la lumière de la vérité, et fameux pour cela même — ses disciples égalèrent le maître.

Je parle de Métradore et d’Aristippe. Puis, je vis