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gloire est rare ; mais chacune d’elle paraissait bien digne d’être illustrée par la poésie et par l’histoire.

Leur bannière victorieuse représentait une blanche hermine sur champ de sinople, avec un collier d’or fin et de topazes.

Leur démarche et leurs saints discours étaient vraiment chose non humaine, mais divine. Ah ! bienheureux qui naît pour une telle destinée !

Elles semblaient de claires étoiles autour d’un Soleil qui, loin de cacher leur vue, redoublait leur éclat ; elles étaient couronnées de roses et de violettes.

Et, comme tout cœur gentil, cette troupe s’en venait joyeuse de l’honneur acquis, quand je vis une enseigne obscure et triste.

Et une femme enveloppée dans un vêtement noir, avec un air si furieux, que je ne sais pas s’il y eut une telle fureur à Flégra au temps des géants,

S’avança et dit : « — Ô toi, Dame, qui va si fière de ta jeunesse et de ta beauté, et qui ne sait pas le terme de ta vie,

« Je suis l’importune et la cruelle que vous appelez sourde et aveugle, ô vous pour qui il fait nuit avant le soir.

« De mon glaive qui frappe et tranche, j’ai conduit à leur fin la race grecque et la race troyenne, et en dernier lieu, les Romains,

« Ainsi que les autres peuples barbares et étrangers ; j’arrive quand on ne m’attend pas, et j’ai interrompu mille projets vains.

« Or, pendant qu’il vous est le plus doux de vivre, je dirige ma course vers vous, avant que la Fortune n’ait mêlé quelque amertume à votre joie. — »