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commun, quand je vis tout d’abord Socrate et Lélio, avec lesquels j’ai vécu plus longtemps encore.

Ô quel couple d’amis ! En rimes, ni en prose, je ne pourrais jamais louer leur mérite comme il faut.

Avec eux deux j’ai poursuivi des doctrines diverses, car nous allions tous les trois sous le même joug. Je leur ai découvert toutes mes plaies.

Le temps, ni l’absence ne pourront jamais me séparer d’eux, comme je l’espère et le désire, jusqu’aux cendres du bûcher funéraire.

Avec eux j’ai cueilli le glorieux rameau dont, trop tôt peut-être, j’ai armé mes tempes, en mémoire de celle que j’aime tant,

Et dont, bien que mon cœur soit plein de sa pensée, je n’ai pu jamais cueillir ni branche ni feuille, tellement ses racines me furent amères et impitoyables.

Mais quoique j’aie sujet de me plaindre comme un homme offensé, ce que j’ai vu de mes yeux m’empêchera de le faire jamais.

C’est un sujet de tragédie et non de comédie, que de voir enchaîné celui dont on a fait le dieu des esprits lents, obtus et stupides.

Mais avant de décrire ce spectacle, je veux continuer à dire ce qu’Amour fit de nous, puis je dirai ce qu’il eut à souffrir à son tour d’une autre, bien que ce soit encore digne non d’un chantre comme moi, mais d’Homère ou d’Orphée.

Nous suivîmes le bruit des ailes pourprées des coursiers volants, à travers mille fossés, jusqu’à ce qu’il fût arrivé dans le royaume de sa mère.

Là, nos chaînes ne furent point allégées ni dénouées, mais nous fûmes traînés par les bois et les