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Je sais comment Amour lance ses traits et comment il vole ; je sais comment il menace ou frappe ; comment il ravit par force ou par ruse ;

Et combien ses faveurs sont peu stables, ses espérances douteuses et ses douleurs certaines. Je sais combien sont vaines ses promesses de fidélité ;

Comment son feu couvert brûle au fond des os ; comment son venin secret s’insinue dans les veines, et cause une mort et un incendie manifestes.

En somme, je sais comme est changeante et vaine, mêlée d’audace et de timidité la vie des amants qui, pour quelque douceur, éprouvent mille amertumes.

Je connais leurs façons, leurs soupirs, leurs chants, leur langage entrecoupé et leurs silences soudains, leurs rires si courts et leurs longues plaintes ;

Et combien pour eux le miel est tempéré par l’absinthe.

CHAPITRE IV.

Le poète raconte comment après être devenu amoureux, il se lia avec tous les autres amants ses compagnons d’infortune, dont il connut les peines et les tribulations ; comment il vit plusieurs poètes amoureux, de divers pays. Puis il pleure la mort de Tomasso de Messine ; il loue Lelio et Socrate ses amis. Enfin, revenant à son premier sujet, il dit par quel chemin et en quel lieu, lui et ses compagnons furent emmenés prisonniers pour servir au triomphe de l’Amour.

Après que ma mauvaise fortune m’eut fait tomber au pouvoir d’autrui, et m’eut coupé tous les nerfs de la liberté dont j’avais joui pendant un certain temps,

Moi, qui étais plus sauvage que les cerfs, je devins subitement aussi soumis que mes infortunés et misérables compagnons ;

Et je vis leurs peines et leurs tourments, et par